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04. Interviewer c’est savoir écouter….et interrompre

Les politiques, comme les journalistes, mais souvent mieux avertis que les professionnels de l’information eux-mêmes, sont aussi des spécialistes du discours et de la communication. Avec eux, l’art de l’interview s’avère naturellement difficile. Les pièges à éviter sont nombreux. Raison supplémentaire pour apprendre à en maitriser les techniques (préparation, formulation des questions, reformulation, relances, etc.) mais aussi à considérer deux attitudes nécessaires trop peu apprises ; elles sont valables quel que soit l’interlocuteur et le sujet de l’interview : savoir écouter et savoir interrompre.

AU PRÉALABLE

Toute interview nécessite, pour le journaliste comme pour la personne interviewée, une discussion, un entretien ou un simple échange préliminaire avant l’enregistrement ou le direct. Cette première étape permet au journaliste de se documenter sur le sujet ou sur la personne, de recueillir ou de recouper des informations, de présenter les objectifs de l’interview et les règles du jeu de l’exercice proposé, afin de décider des meilleures questions à poser.

Sans oublier la recherche de proximité avec l’interlocuteur. Attention toutefois à ne pas confondre une certaine forme de complicité utile à la réussite d’une séquence d’interview et une attitude qui serait de connivence sur les questions les plus délicates ou pointues de l’entretien.

PRATIQUER L’ÉCOUTE ACTIVE

Trop souvent, celui qui pose des questions a du mal à se concentrer sur les paroles de l’autre, trop préoccupé à trouver et à formuler les questions suivantes. Bien au contraire, celui qui aura bien préparé son interview et saura écouter l’autre de manière active pourra exploiter au mieux ses réponses.

Ainsi, pendant l’interview, l’écoute active est une attitude et une pratique (gestuelle, visuelle et verbale) qui permet d’augmenter la qualité de la communication. Elle doit permettre à l’interlocuteur de se sentir réellement entendu, compris, accompagné, mis en confiance.

L’écoute active exige des attitudes particulières et souvent inhabituelles à l’interviewer. Par exemple : hocher la tête, sourire, grimacer, lever le doigt, faire un signe de la main, utiliser des formules verbales d’accompagnement (« oui, bien sûr », « je comprends, mais encore… », « par exemple »). Ce sont des signaux forts adressés utilement à son interlocuteur pour lui indiquer ce que l’on attend de lui.

L’écoute active permet également de repérer les non-dits et les rétentions dans le discours afin d’inciter l’interlocuteur à les exprimer.

RESPECTER LA BONNE DISTANCE PHYSIQUE

Une bonne communication – et donc ici une interview réussie – dépend plus qu’on ne le croit habituellement de la disposition des corps (mieux vaut se parler face à face ou légèrement de côté) et de leur proximité. Il s’agit de se placer correctement, en fonction des nécessités qu’impose la prise de son, mais aussi de la distance idéale à trouver face à son interlocuteur1. Les rapports à la distance sont différents d’une culture à l’autre et d’un individu à l’autre. Le plus souvent, il suffit d’être attentif aux réactions de la personne interviewée quand on s’en approche trop pour trouver la meilleure distance possible. Il s’agit de trouver le juste milieu pour éviter d’apparaître distant ou intrusif.

SAVOIR COUPER LA PAROLE

En situation d’interview, les règles habituelles de la politesse ne sont pas toujours de mise car elles doivent s’appliquer avant tout aux auditeurs absents physiquement et non prioritairement à la personne que l’on interroge. Ainsi, à la condition d’en décider opportunément, il faut savoir interrompre son interlocuteur, parfois avant même la fin d’une phrase. Par exemple lorsqu’on s’aperçoit qu’un mot ou une expression ne seront pas compris par les auditeurs ou quand un propos nécessite immédiatement un éclaircissement, une explication, une vérité, un complément, au risque d’être oublié, de perdre de son intérêt ou de sa pertinence. Souvent, un simple adverbe peut suffire : « comment ? », « pourquoi ? », « par exemple ? » etc.

Dans le cas des interviews de responsables politiques (RP), ces situations sont courantes. Elles sont souvent le fait d’une stratégie réfléchie ou acquise et donc de techniques rhétoriques utilisées par ces derniers. Exemples : quand un RP répond à une question qui ne lui a pas été posée, quand un RP refuse de répondre à une interrogation, quand un RP attaque calomnieusement ou insulte un adversaire, quand un RP utilise la langue de bois ou encore quand il retourne la question du journaliste vers ce dernier.


L’interview politique n’est pas un match de boxe mais c’est un art difficile qui s’apprend. Pour cela, le journaliste doit bien considérer son rôle à la hauteur de sa mission. Pendant la durée de l’exercice, il est là pour mettre sa technique et son savoir professionnel au service de l’information la plus juste des auditeurs-citoyens (et électeurs) à qui il s’adresse et non au service de son interlocuteur, quel que soit son rang, ou à lui-même.