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13. Le reportage

Le reportage est considéré comme un genre majeur. C’est un idéal journalistique : un bon reportage réalise la synthèse de tous les autres genres journalistiques. Encore faut-il que la forme et le fond y soient harmonisés autour d’un bon sujet traité avec talent. C’est un exercice difficile. Il ne supporte pas la médiocrité. Il réclame la maîtrise de toutes les techniques rédactionnelles.

LES HUIT CLÉS DU BON REPORTAGE :

  1. Une bonne idée.

Pour capter l’attention il faut d’abord avoir à raconter une histoire originale. La première chose à faire est de trouver « la » bonne idée, celle que les autres journaux n’auront pas. Dans le tourbillon de l’actualité on la trouve souvent en cherchant à contre-courant. Suite à la prise d’otage, Mark Pesos décide de transférer le siège de la banque Pèze dans une immense résidence ultrasécurisée qu’il fait construire sur la petite île tranquille de Lobdonnoc? Tout le monde se polarise sur le gigantisme du projet, ses avancées, les transformations de l’île qu’il implique? Les envoyés spéciaux de la presse locale et nationale affluent à Lobdonnoc?… Moi, je vais faire différemment ! Je vais aller voir, sur place, comment les habitants de l’île cohabitent avec ce chantier pharaonique. Je « vends » l’idée à mon directeur de la rédaction qui s’en délecte à l’avance…

  1. Une bonne documentation.

Pour être capable de comprendre ce que l’on va voir, quand on part en reportage en terrain inconnu, il faut avoir au moins une petite idée de ce qui vous y attend…Or, je ne sais presque rien sur l’île de Lobdonnoc. Donc, je prends le temps de me documenter avant d’aller à la rencontre de ses habitants. Sinon, une fois sur place, je risquerais de passer à côté des choses les plus intéressantes.

  1. Des portraits et des scènes de vie.

Le reportage, c’est la vie des gens. Je cherche à les faire parler, je repère les personnages les plus bavards, les plus truculents, les plus importants. Je prends mille notes manuscrites sur ce que je vois et entends; j’enregistre mes conversations sur magnétophone (avec l’accord de mes interlocuteurs) ; je prends soin, avant chaque entretien, d’identifier précisément chacun de mes interlocuteurs : nom, prénom, âge, métier, couleur des yeux, couleur des cheveux, traits caractéristiques… Je note également tous les détails descriptifs qui me seront nécessaires pour les montrer en action.

  1. Des bruits, des couleurs, des odeurs.

Le reportage, c’est le cadre de vie des gens. Tous mes sens sont en alerte. J’enregistre les bruits, les couleurs, les senteurs pour les restituer dans mon récit. Je décrirai chacun de mes personnages dans son univers professionnel. Il faut que mon texte transporte le lecteur pour que celui-ci voie, entende, ressente les mêmes choses que moi.

  1. Un angle d’attaque.

Je retire un sentiment prédominant de ce que je vois, entends et ressens sur le terrain : les habitants sont excédés par ce chantier particulièrement polluant, l’environnement naturel des Lobdonnais est déjà fortement dégradé depuis le début des travaux. C’est un scoop : c’est Marine Dubleu, la présidente de l’association des îliens mécontents, qui me l’a confié! Les habitants de l’île sont même en train de préparer une manifestation pour exprimer leur colère. Voilà mon angle d’attaque! Je tiens même mon titre : « Mark Pesos rassuré, les Lobdonnais inquiets »…

  1. Une bonne accroche.

Le bon reportage, c’est une bonne idée qui s’incarne dans des personnages forts et s’exprime dans des paroles lourdes de sens. Marine Dubleu m’a fourni de quoi faire une bonne accroche dans ses réponses à mes questions. Elle est la présidente de l’association des îliens mécontents, je la mettrai en scène d’entrée en commençant mon récit par l’une de ses phrases les plus significatives: « La vie dans notre petit coin de paradis est devenue un enfer ». J’enchaînerai en brossant son portrait en quelques lignes pour planter le décor avant d’égrener ses autres déclarations au fil de mon récit.

  1. Un bon fil conducteur.

Le bon reportage, c’est un solide fil conducteur tendu entre une bonne accroche et une bonne chute. Les déclarations que m’a faites Marine Dubleu me serviront de fil conducteur. Je construirai le corps de mon texte en faisant se succéder en alternance les citations, les descriptions, les petits portraits, les témoignages et mes propres remarques analytiques sur la vie sur cette petite île sauvage, perturbée par l’implantation du siège de la banque Pèze.

  1. Une bonne chute.

Il n’y a pas de bon reportage sans bonne chute. Celle de mon récit de voyage chez les îliens mécontents sera symétrique à l’accroche. Je laisserai le dernier mot à Marine Dubleu : « Trop, c’est trop : notre île n’est pas un coffre-fort ! ».

L’HISTOIRE VIVANTE EST CELLE DU TEMPS PRÉSENT, J’ÉCRIS DONC AU PRÉSENT.